La place du scanner et de l'IRM en rythmologie
Dr Baptiste COURTY, Rythmopole Paris, Institut Mutualiste Montsouris
Février 2022
La rythmologie est la discipline s'intéressant aux troubles du rythme et de la conduction électrique cardiaque. Cette spécialité, bien que limitée dans sa définition, s'inscrit dans une prise en charge globale du patient. L'imagerie cardiaque joue un rôle primordial dans l'évaluation diagnostique, pronostique, et thérapeutique ; d'abord par l'échographie cardiaque puis par l'utilisation de techniques multimodales tel que le scanner cardiaque et l'IRM cardiaque (1). Le développement de ces outils a trouvé une place de choix dans la gestion de nos patients souffrants d'arythmies cardiaques.
Le scanner cardiaque en rythmologie
De nos jours, le scanner cardiaque est devenu un outil quotidien dans l'activité du rythmologue. Outre le fait qu'il constitue un examen de référence dans le dépistage d'une éventuelle coronaropathie ; son rôle dans le bilan pré-interventionnel est devenu quasi-indispensable.
Avant une ablation de fibrillation atriale (FA), il nous permettra d'éliminer tout thrombus intra-cavitaire contre-indiquant cette procédure. En outre, il permet grâce à des reconstructions en trois dimensions de mieux évaluer l'anatomie des veines pulmonaires, pierre angulaire de la stratégie d'ablation de la FA (2). Ainsi une TDM du massif atrial permettra d'éliminer la présence d'un tronc commun ou au contraire la présence de veines surnuméraires, mesurer le diamètre des ostias notamment en cas d'utilisation de la cryothérapie, et ainsi mieux appréhender la reconstruction anatomique réalisée par les cathéters diagnostiques sous système de cartographie lors de l'intervention. Les rapports anatomiques avec les structures adjacentes (oreillette droite, veine cave supérieure, œsophage, aorte, nerf phrénique...etc) sont précisées. Une estimation du volume de l'oreillette gauche permet de mieux sélectionner son choix du matériel d'ablation ; réduisant le temps d'ablation corrélé à la survenue d'un événement ischémique per-procédure. Enfin, il est parfois possible de visualiser le ligament de Marshall ; reliquat de la veine cave supérieure gauche dont l'alcoolisation peut être une stratégie thérapeutique dans l'ablation de FA (3).
Son intérêt ne se limite pas au bilan pré-ablation mais il peut également être utile à la recherche de certaines complications post-interventionnelles (bien que devenues plus rares grâce à l'évolution des techniques) comme d'éventuelles sténoses des veines pulmonaires ou paralysie diaphragmatique sur lésion du nerf phrénique.
Scanner cardiaque : plan axial, coupe de l'oreillette gauche
Reconstruction en 3 dimensions de oreillette gauche
L'IRM cardiaque en rythmologie
L'IRM cardiaque a connu un essor important ces dernières années, au point d'être devenu un examen de routine incontournable dans le bilan et la stratégie thérapeutique de nos patients atteint de cardiomyopathie (ischémique, dilatée, hypertrophique, dysplasie arythmogène du ventricule droit...etc). Sa place dans l'évaluation de la fonction systolique du ventricule gauche ; et notamment dans une éventuelle indication à un défibrillateur automatique implantable est indiscutable. Par ailleurs, grâce à une amélioration de la résolution temporo-spatiale et des différentes séquences, cet examen apporte de nouveaux horizons dans la stratégie d'ablation d'arythmies atriale ou ventriculaire.
L'évaluation de la fibrose atriale en IRM comme facteur prédictif de récidive d'arythmie atriale après une ablation de FA persistante fait l'objet de plusieurs études, notamment l'étude DECAAF publiée en 2014. En effet, plus le taux de fibrose atriale augmente, plus le risque de récidive après ablation est majoré (4). L'objectif serait une meilleure sélection des patients en pré-interventionnel et une stratégie ablative « sur-mesure » pour le patient ; corrélés aux zones de bas voltage et d'éventuels potentiels fragmentés mis en évidence par le système de cartographie. Bien que prometteuse, cette évaluation de la fibrose atriale se heurte à une faible disponibilité de l'outil d'imagerie et un niveau de résolution à l'étage atrial encore perfectible ce qui ne permet pas encore son utilisation dans notre pratique courante actuelle.
La localisation et la quantification de fibrose ventriculaire, évaluée par la présence de rehaussement tardif après injection de produit de contraste de gadolinium, joue un rôle majeur dans la stratégie d'ablation de tachycardie ventriculaire chez les patients porteurs d'une cardiomyopathie. En effet, ces zones électriquement hétérogènes, favorise l'anisotropie et constitue le substrat nécessaire au déclenchement et au maintien de ces arythmies ventriculaires. L'analyse de cette fibrose par IRM, couplée à la cartographie (carte d'activation, carte de voltage) en salle de cathétérisme a montré un taux de récidive post-ablation inférieur comparé à l'utilisation seule d'un système de navigation 3D (5).
En conclusion :
L'imagerie cardiaque par scanner et IRM s'est imposée dans notre quotidien de rythmologue ; notamment dans notre stratégie d'ablation, afin de proposer une approche plus précise des zones à traiter et adaptée à chaque patient. De plus, elle complète les informations recueillies en salle de cathétérisme via les systèmes de cartographies, réduisant le taux de récidive comparativement à l'utilisation seule d'un système électro-magnétique. Cependant, ces examens peuvent être sujets à de nombreux artéfacts (mouvements du patient, fréquence cardiaque rapide...) pouvant rendre l'acquisition et l'interprétation complexes. La résolution spatiale, notamment dans la recherche précise des zones de fibroses parfois très limitées en étendue ; et la disponibilités de ces examens sont également des limitations à leur utilisation systématique dans la pratique quotidienne. La combinaison simultanée de ces examens d'imagerie, mettant en concordance les anomalies radiologiques et électro-anatomiques per-procédure permettront probablement une meilleure compréhension de certains mécanismes de ces arythmies ; pour une stratégie d'ablation plus ciblée et une amélioration du taux de succès à long terme.
Références :
1. Glikson M, Nielsen JC, Kronborg MB, Michowitz Y, Auricchio A, Barbash IM, et al. 2021 ESC Guidelines on cardiac pacing and cardiac resynchronization therapy. Eur Heart J. 14 sept 2021;42(35):3427‑520.
2. Haïssaguerre M, Jaïs P, Shah DC, Takahashi A, Hocini M, Quiniou G, et al. Spontaneous Initiation of Atrial Fibrillation by Ectopic Beats Originating in the Pulmonary Veins. N Engl J Med. 3 sept 1998;339(10):659‑66.
3. Derval N, Duchateau J, Denis A, Ramirez FD, Mahida S, André C, et al. Marshall bundle elimination, Pulmonary vein isolation, and Line completion for ANatomical ablation of persistent atrial fibrillation (Marshall-PLAN): Prospective, single-center study. Heart Rhythm. avr 2021;18(4):529‑37.
4. Marrouche NF, Wilber D, Hindricks G, Jais P, Akoum N, Marchlinski F, et al. Association of Atrial Tissue Fibrosis Identified by Delayed Enhancement MRI and Atrial Fibrillation Catheter Ablation: The DECAAF Study. JAMA. 5 févr 2014;311(5):498.
5. Njeim M, Desjardins B, Bogun F. Multimodality Imaging for Guiding EP Ablation Procedures. JACC Cardiovasc Imaging. juill 2016;9(7):873‑86.
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