Le Stress Psychosocial et le Stress Oxydatif
Docteur Marc Dellière, Médecin nutritionniste - Agir sur le stress - Osez le stress positif Linkedin
Septembre 2023
Le stress psychologique, un phénomène omniprésent dans la vie de tous les individus, exerce une influence profonde et variée en fonction de sa fréquence et de son intensité (25).
Les sources de stress peuvent se manifester de manière tantôt aiguë, tantôt chronique, prenant des formes diverses telles que les bouleversements de la vie, qu'il s'agisse de conflits familiaux déchirants ou de catastrophes naturelles dévastatrices (21). Elles peuvent également découler de conditions socio-économiques précaires, caractérisées par de maigres revenus ou un taux de criminalité élevé. De plus, le stress peut être intrinsèquement lié à des troubles psychiatriques chroniques tels que l'anxiété (17) ou la dépression.
Il est impératif de noter que la réponse physiologique individuelle au stress revêt une importance capitale dans la manière dont le stress affecte la santé.
Il convient également de souligner que le stress, qu'il soit de nature aiguë ou chronique, constitue un facteur de risque majeur pour les maladies cardiovasculaires, particulièrement d’ailleurs chez les individus déjà atteints de maladies coronariennes (2,12,14,21).
Le stress psychologique aigu semble pouvoir déclencher sur le plan biologique un angor ou une angine de poitrine, ce mécanisme étant médié par une combinaison de vasoconstriction coronarienne et d'une augmentation de la demande en oxygène myocardique (2,12,21).
De nombreuses études et rapports renforcent la conviction que le stress psychologique aigu intense peut précipiter des problèmes cardiaques tels que la dysfonction myocardique, l'infarctus, les arythmies, voire le décès cardiaque.
Des données de recherche de qualité supérieure appuient l'idée selon laquelle le stress psychologique chronique est associé à un risque accru de maladie cardiaque.
Les directives européennes en matière de prévention des maladies cardiovasculaires reconnaissent le stress comme un facteur de risque cliniquement significatif, en particulier chez les individus présentant un risque global élevé de maladies cardiovasculaires ou déjà touchés par ces affections.
Les méta-analyses basées sur des données individuelles et compilant des données issues de multiples cohortes ont permis d'approfondir notre compréhension de l'association entre le stress et les maladies cardiovasculaires.
En règle générale, les adultes confrontés au stress lié à leur emploi ou à leur vie personnelle courent un risque accru de développer une maladie coronarienne ou un accident vasculaire cérébral, avec un risque accru oscillant entre 1,1 et 1,6 fois la normale (14).
La compréhension des mécanismes sous-jacents est cruciale pour prévenir et traiter efficacement les événements cardiovasculaires associés au stress.
Un aperçu des mécanismes neurocardiovasculaires par lesquels le stress psychologique peut contribuer au risque cardiovasculaire révèle plusieurs processus.
Tout d'abord, le stress augmente l'activité du système sympatho-surrénalien, entraînant une libération accrue de catécholamines, en particulier d'épinéphrine.
De plus, il stimule l'activité de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien, ce qui se traduit par une libération accrue de cortisol (15).
Par ailleurs, le système nerveux sympathique périphérique devient plus actif, provoquant une libération locale directe de norépinéphrine.
En outre, des données suggèrent que le stress psychologique peut favoriser l'inflammation, principalement par le biais de cytokines pro-inflammatoires circulantes, et avoir des effets prothrombotiques en influençant les plaquettes et d'autres facteurs hémostatiques.
Tous ces processus, en association avec des facteurs de mode de vie nuisibles, peuvent contribuer de manière chronique au développement de l'athérosclérose, et de manière aiguë à l'ischémie myocardique, à l'infarctus et aux arythmies cardiaques.
Le stress aigu
En réponse à un stress aigu, le système nerveux subit des altérations au sein du réseau neuronal du cerveau, influençant la perception des stimuli sensoriels, déclenchant des réactions émotionnelles telles que la peur et l'évitement, et déclenchant des réponses physiologiques périphériques. Ces réponses englobent l'activation simultanée du système nerveux autonome, de l'axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien (HHS) et une augmentation des taux de protéines inflammatoires.
Le système nerveux autonome (15) réagit rapidement au stress par le biais du système nerveux sympathique, ce qui engendre une augmentation de la fréquence cardiaque, une diminution de la variabilité de la fréquence cardiaque, une redistribution du flux sanguin vers les muscles, et une élévation de la température corporelle centrale.
Le système nerveux sympathique exerce des effets directs stimulants sur le cœur, les vaisseaux sanguins, le métabolisme et le système immunitaire.
En parallèle, la réponse de l'axe HHS est déclenchée quelques minutes après l'exposition au stress, entraînant la libération d'hormones telles que la corticotropine et le cortisol, avec pour conséquence l'augmentation des taux de glucose sanguin et l'influence sur les facteurs de coagulation sanguine.
Le stress aigu, qu'il résulte de catastrophes naturelles ou d'événements émotionnels, est associé à un risque accru de maladies cardiovasculaires à court terme, notamment chez les individus présentant des facteurs de risque préexistants. Un stress aigu persistant sur plusieurs jours accentue également le risque de développer des maladies cardiovasculaires.
A noter, la cardiomyopathie de stress, également connue sous le nom de syndrome de Takotsubo, qui peut survenir suite à un stress intense, qu'il soit d'origine physique ou psychologique. Ce syndrome est observé le plus fréquemment chez les femmes âgées de plus de 50 ans.
Les symptômes initiaux sont souvent trompeurs et ressemblent à ceux d'une crise cardiaque aiguë, ce qui peut entraîner une confusion diagnostique. Il est essentiel de noter que cette condition est temporaire, mais elle comporte un risque significatif de complications graves liées aux maladies cardiovasculaires secondaires, ainsi que de récidives.
Le stress chronique
Le stress chronique, étalé sur des mois, voire des années, entraîne des conséquences néfastes cumulatives pour la santé.
Les mécanismes reliant le stress chronique aux maladies commencent au niveau du cerveau, impliquant le réseau de saillance, le système limbique, l'amygdale, et le cortex préfrontal (15).
Lorsque le stress survient, l'amygdale active le système nerveux sympathique et déclenche la production neuro-hormonale via l'axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien (HHS), ce qui génère des réactions de peur et d'anxiété.
Le stress chronique est un facteur de risque largement sous-estimé en ce qui concerne les maladies cardiovasculaires, étant associé à une augmentation de l'inflammation systémique, de la viscosité sanguine, de la formation de caillots sanguins, de l'hypertension artérielle (7), de la fréquence cardiaque, et à d'autres réponses physiologiques contribuant potentiellement aux événements cardiovasculaires (6).
Des recherches ont mis en lumière les mécanismes sous-jacents de cette association, notamment l'élévation des taux de cytokines pro-inflammatoires, l'activation plaquettaire et l'augmentation de la pression artérielle.
Cependant, le risque de maladies cardiovasculaires lié au stress chez les adultes semble être moins prononcé que les risques associés à des expériences stressantes graves pendant l'enfance, ou que les risques liés au tabagisme, à l'hypertension artérielle, à un taux élevé de cholestérol, à l'obésité et au diabète (14).
Il est à noter cependant que tous ces troubles sont fréquemment liés aux conséquences d'une gestion inadéquate du stress, avec des relations bidirectionnelles entre les troubles pathologiques et le stress.
Le stress à l'âge adulte revêt un rôle crucial en tant que déclencheur chez les individus présentant déjà une charge de plaques athéroscléreuses élevée, et en tant que déterminant du pronostic chez ceux atteints de maladies cardiovasculaires ou cérébrovasculaires préexistantes.
Le stress oxydatif
Des preuves croissantes suggèrent une association entre le stress psychosocial et le stress oxydatif, bien qu'il n'existe pas encore de biomarqueurs totalement fiables pour l’étudier. Elles indiquent cependant que le stress oxydatif est susceptible d'être un mécanisme moléculaire clé reliant le stress psychosocial chronique aux maladies cardiovasculaires (5,8,18).
Les employés soumis au stress lié au travail et les personnes socialement isolées ou solitaires ont un risque accru de première crise cardiaque.
Des études épidémiologiques ont démontré que la solitude et l'isolement social augmentent le risque de mortalité autant que le tabagisme ou la consommation d'alcool, et davantage que l'inactivité physique ou l'obésité!
Chez l'être humain, la solitude est associée à une pression artérielle plus élevée, ainsi qu'une athérosclérose accrue.
La solitude et l'isolement social entraînent l'activation de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), une augmentation de l'activité du système nerveux sympathique (SNS), une altération de la fonction parasympathique et une réponse immunitaire pro-inflammatoire.
Ces mécanismes ont été impliqués dans le développement des maladies cardiovasculaires associées à l'isolement social.
Le stress oxydatif dans le cerveau semble nécessaire à l'activation de l'axe HHS induite par l'isolement social et est probablement également impliqué dans l'activation du SNS.
Dans le système vasculaire, le stress oxydatif augmente la tonicité vasculaire, altère la fonction endothéliale et favorise l'athérosclérose par plusieurs mécanismes (11).
Stratégies de Gestion du Stress et de Prévention des Maladies Cardiovasculaires : Un Appel à l'Action pour les Professionnels de la Santé
Il est crucial que les professionnels de la santé prennent pleinement conscience de l'impact du stress sur la santé de leurs patients. Ils devraient envisager de mettre en place des évaluations incluant des questionnaires et de recommander des interventions adaptées.
Les interventions comportementales
Les interventions comportementales peuvent contribuer à réduire le stress perçu et à atténuer les réponses neuro-immuno-vasculaires.
Des techniques de réduction du stress diverses, allant de l'autohypnose à la méditation pleine conscience, en passant par la sophrologie, le yoga, la thérapie cognitivo-comportementale, la remédiation cognitive et la thérapie métacognitive, ainsi que des méthodes de respiration comme la résonance cardiaque ou la respiration cyclique du Professeur Huberman (0), devraient être largement accessibles et abordables pour profiter au plus grand nombre.
Les données actuelles indiquent que la réduction du stress peut conférer des avantages significatifs, notamment la modification de la structure et de la connectivité neurale, la réduction de l'inflammation, l'amélioration de la pression artérielle et l'adoption de comportements plus sains.
Les recommandations en matière d'hygiène de vie et de nutrition
Lors des consultations médicales, il est impératif d'engager une discussion avec les patients concernant la qualité et la durée de leur sommeil, leurs préférences alimentaires (en favorisant une alimentation anti-inflammatoire et riche en antioxydants, notamment grâce à des huiles végétales riches en acides gras polyinsaturés, des légumes, des fruits, etc.), ainsi que leur niveau d'activité physique. Cette approche revêt une importance capitale pour une prévention efficace du stress.
Les approches médicamenteuses et complémentaires
Plusieurs interventions pharmacologiques visant à cibler l'axe neuro-immuno-vasculaire peuvent jouer un rôle dans l'atténuation de l'impact du stress sur les maladies cardiovasculaires.
Des médicaments tels que les bêta-bloquants, les agents anti-inflammatoires, les anxiolytiques, et d'autres traitements peuvent être prescrits en conséquence.
En outre, certains compléments alimentaires méritent d'être envisagés. Par exemple, l'alpha-casozépine (4,9), qui agit sur les récepteurs Gaba-A, les oméga-3 (19), ainsi que des produits à base de plantes adaptogènes comme la rhodiole (13), peuvent être considérés comme des options.
La carence en magnésium (22, 23, 24) et le stress sont des défis de santé fréquents, dont les implications sur notre bien-être sont considérables. Il a été mis en évidence que le stress lui-même peut conduire à une diminution des niveaux de magnésium dans notre corps, tandis qu'une carence en magnésium peut accroître notre susceptibilité au stress. Cette découverte met en lumière l'existence d'un cercle vicieux étroitement lié entre le magnésium et le stress.
Au-delà de son rôle dans la gestion du stress, le magnésium joue également un rôle vital dans la régulation de la fonction cardiovasculaire. Il faut supplémenter avec des sels de magnésium appropriés, bien absorbés ou amino-complexés.
L'alpha-casozépine, hydrolysat trypsique de caséine alpha-s1 de lait bovin, que renferme le Lactium® (4,9) agit sur les récepteurs Gaba-A et accroît, sans effets secondaires, l'activité de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA), un neurotransmetteur très connu pour son action inhibitrice de l'anxiété et ses propriétés relaxantes.
Certaines études sur les omega-3 (19), que ce soit par l'alimentation ou la supplémentation, montrent des avantages positifs des omega-3 sur la cognition, en particulier la mémoire, moins nettement sur l’anxiété et les études de supplémentation montrent une réduction des marqueurs de l'inflammation.
L'efficacité de la Rhodiole (13) est confirmée par plusieurs études pour divers symptômes liés au stress de la vie quotidienne, de la fatigue au burnout, mais également en ce qui concerne les fonctions cognitives et les performances mentales. Elle a également démontré des effets bénéfiques sur la santé cardiovasculaire.
Enfin, pour contrer les effets néfastes du stress oxydatif (1, 8, 18), un mécanisme moléculaire crucial reliant le stress psychologique aux problèmes cardiovasculaires, il est recommandé de suivre une alimentation renforcée en aliments riches en antioxydants selon l'échelle ORAC (Oxygen Radical Absorbance Capacity, ou Capacité d'absorption des radicaux libres, comprenant des fruits et des légumes.
Parmi les antioxydants à considérer, citons l'acide alpha-lipoïque (ALA), le resvératrol, le lycopène et le sélénium, qui peuvent également être pris sous forme de compléments alimentaires.
L'acide alpha-lipoïque (ALA) se distingue en tant qu'antioxydant puissant, avec des bienfaits potentiels pour la santé cardiovasculaire, notamment dans la lutte contre le stress oxydatif, la régénération d'autres antioxydants, la modulation des lipides sanguins, la protection contre l'oxydation des LDL, et la régulation de la tension artérielle. Cependant, des questions persistent quant à son dosage et à son mode d'administration (20).
Le resvératrol, un composé présent dans certains aliments, s'attaque aux radicaux libres et régule les gènes pour protéger le cœur. Des études cliniques ont démontré les avantages du resvératrol pour la santé cardiovasculaire (16).
Le lycopène, en tant qu'antioxydant puissant, explique pourquoi une alimentation riche en lycopène peut réduire le risque de maladies cardiovasculaires, comme l'ont montré plusieurs études (3).
Le sélénium, lorsqu'il est associé à d'autres antioxydants, peut contribuer à réduire le risque de maladies cardiaques et de décès. Cependant, son efficacité en tant que supplément isolé, sans combinaison avec d'autres antioxydants, demeure incertaine (10).
En conclusion, le stress se révèle être un facteur de risque significatif pour les maladies cardiovasculaires, et il est impératif de l'intégrer pleinement dans la prise en charge des individus présentant un risque. Il est essentiel d'envisager des approches thérapeutiques visant à atténuer à la fois le stress psychosocial, le stress oxydatif et l'inflammation systémique, dans le but de prévenir efficacement les maladies cardiovasculaires et d'améliorer la santé globale de la population.
Cependant, il convient de souligner que des études prospectives sont nécessaires pour évaluer les modifications induites dans l'axe neuro-immuno-vasculaire par ces traitements, ainsi que leur rôle causal dans la réduction des maladies cardiovasculaires liées au stress.
Références
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Dr Marc Dellière
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